Pandémie, variant, hybridation, sont les mots que nous avons tous lus et entendus bien trop souvent durant l’année 2021. Rien ne permet d’ailleurs d’imaginer leur disparition soudaine. Pour autant, la mission des universités demeure intacte tandis que les attentes d’une population étudiante malmenée par la crise sanitaire et l’isolement, sont toujours aussi vives. Apprendre et apprendre mieux, pour faire face au monde de demain, pour exprimer leurs talents et proposer leurs idées à tous les acteurs de nos sociétés. Voilà ce que tous désirent avec impatience. Voilà quels sont les moteurs de progrès des établissements, des enseignants mais aussi des entreprises EdTech qui imaginent ensemble les solutions d’avenir.
Ces acteurs, nous les rencontrons au quotidien et nos échanges avec eux nous enrichissent chaque jour. Ils nous permettent de découvrir des innovations, des usages, des enjeux qui peuvent changer le monde de l’enseignement supérieur et faire évoluer les pédagogies.
En 2022, nous croyons que 5 grandes tendances seront au cœur des conversations et des projets des acteurs incontournables de l’enseignement supérieur et de la recherche.
1 – L’Immersive Learning ou l’indispensable AR/VR
Alors que tout le monde parle de metaverse, l’univers virtuel dans lequel chacun se réinvente et se retrouve pour échapper à sa réalité, l’apprenant a encore besoin d’apprendre. Apprendre de la réalité, au sens où ses connaissances, ses compétences, son utilité future en dépendent. Or qu’il soit chez lui ou sur un campus universitaire, le plonger dans la réalité d’un contexte professionnel, d’une situation simulée, d’une mission à accomplir, peut désormais s’imaginer via la visualisation d’images, de vidéos 360° et interactives. Dans un casque, tout est possible et surtout sans limites.
Pourquoi est-ce essentiel ? Quels sont les bénéfices de cette immersion cognitive ?
D’une part, les chercheurs ont démontré la qualité et l’importance de l’impact de telles expériences sur le cerveau humain, d’autre part, la réalité virtuelle ou augmentée est une réponse parfaite aux contraintes de distance que nous vivons. Réduire nos déplacements, faciliter l’accès aux expériences les plus difficiles à reproduire, optimiser la qualité de la connaissance délivrée, sont des enjeux majeurs de l’enseignement supérieur. Or les technologies immersives nécessitent des moyens mais aussi un niveau de maitrise élevé pour être performantes. C’est pourquoi nous croyons au développement de ce marché bien au-delà de l’effet de mode que certains ont pu dénoncer. Simuler une opération à cœur ouvert, réparer un moteur de volet électrique ou piloter une opération d’évacuation de locaux, permet de vivre des situations réelles avec tout le bénéfice de la mémorisation des gestes ou des pratiques à respecter. Il y a un gain d’attention certain pour ceux ou celles qui sont « immergés » dans ces simulations, ce qui est très justement devenu un sujet crucial pour les enseignants.
L’apprentissage des gestes, des postures, des mots et la compréhension des enjeux selon les contextes, est une exigence forte de notre système d’enseignement. Rendre l’expérience apprenante immersive permettra d’en faciliter l’accès et d’en augmenter l’efficacité.
2 – La gamification dans l’enseignement
Nous l’écrivions déjà il y a un an, jouer est un moteur d’apprentissage pour l’être humain :
« Nous apprenons à jouer depuis notre plus jeune âge. Nombreux sont les jeux considérés comme pédagogiques, nous permettant d’apprendre en nous divertissant, acquérant des compétences sans même nous en rendre compte. Et pourtant, plus nous grandissons, plus cette ludification des cours se perd, jusqu’à complètement disparaître. La transformation numérique dans l’enseignement supérieur, que nous vivons actuellement, élargit les possibilités d’apprentissage, créant des environnements interactifs engageants et ludiques. »
Alors pourquoi la gamification sera-t-elle encore une tendance en 2022 ?
Si les fondamentaux ne changent pas, à l’épreuve des crises, c’est aussi parce que ce qui rassemble le plus facilement une communauté, est l’expérience ludique. Autour du jeu, il y a la convivialité, les échanges, les confrontations amicales et bienveillantes. Jouer c’est aussi aimer la vie. Ainsi, il peut être particulièrement utile de prendre appui sur des jeux (de société, vidéo ou de rôle) pour diffuser, illustrer, expliciter un concept, mais aussi de créer des mécanismes de jeu autour des apprentissages. Rien ne semble plus attractif qu’une récompense affective pour stimuler le cerveau des apprenants !
Nombre d’acteurs vont donc continuer à investiguer les techniques du jeu pour enrichir les dispositifs pédagogiques. Une attente exprimée par tous ceux qui souhaitent motiver les publics étudiants devenus très attachés au gaming. Aux Etats-Unis, par exemple, avec plus de 100 millions de joueurs mensuels, la plateforme de jeux Roblox est aujourd’hui encore plus importante que Minecraft. Elle est d’ailleurs utilisée dans le monde entier pour enseigner la programmation et la conception de jeux.
En France, des universitaires précurseurs comme Jérôme Legrix-Pagès à l’Université de Caen-Normandie ou Laurent Aldon à l’Université de Montpellier créent déjà leurs propres jeux.
3 – L’émergence du micro learning
Le micro learning est l’une des tendances les plus en vogue actuellement dans le domaine de la formation en ligne. Les organisations doivent non seulement savoir ce qu’est le micro learning, mais aussi comment le créer et quelles sont les meilleures pratiques à employer. Il ne s’agit pas de découper un cours de 3 heures en morceaux de 3 minutes. Au contraire, il faut comprendre que cette technique permet à l’apprenant de se focaliser sur un concept, un sujet clé à comprendre et à retenir avant de passer à l’étape suivante. Le séquençage de l’apprentissage est une technique nouvelle particulièrement adaptée à l’enseignement à distance et aux disparités de disponibilité. Consacrer quelques minutes chaque jour à l’apprentissage d’une langue, ou d’un manuel de programmation informatique, permet à chacun d’avancer à son rythme. Rappelons que le micro learning utilise tous les formats de diffusion de la connaissance : vidéo, texte, audio, etc…
Cette liberté immense que permet le micro learning devrait élargir les publics apprenants et démultiplier les efforts pédagogiques. L’idée de construire des parcours par épisode, par saison, s’inspire naturellement du développement de la consommation des « séries ». Découvrir l’épisode suivant est une source de plaisir qui anime celui qui souhaite savoir. On peut penser que le micro learning est davantage orienté vers un public de FTLV mais les différents établissements d’enseignement supérieur considèrent de plus en plus cette technique d’apprentissage en complément des méthodes pédagogiques plus traditionnelles pour permettre aux étudiants de réviser autrement.
Wooflash est l’un des leaders sur ce marché naissant, pour un exemple d’utilisation par un professeur de médecine de l’Université de Bourgogne avec ses étudiants:
4 – L’évaluation par ses pairs ou l’apologie du peer to peer
L’une des clés de l’apprentissage demeure l’évaluation. Mesurer permet de progresser. Mais les méthodes traditionnelles sont souvent mises en cause, à l’heure de la valorisation des compétences acquises. Mais ces évaluations correspondent-elles aux attentes et aux besoins ? Faut-il continuer de pratiquer le contrôle des connaissances acquises quand précisément ce que l’on souhaite est que les étudiants acquièrent des compétences ?
Aussi mobiliser les compétences de nos semblables dotés de certains savoirs et compétences reconnus par leur profession, afin d’une part de les diffuser ou de les évaluer auprès des apprenants, est une nouvelle voie à explorer. Plus neutre, plus actuel, plus respectueux, le partage entre pairs a de nombreux atouts pour l’avenir. Des écoles d’informatique comme Ada Tech School ou l’école 42 ont mis en place ces techniques apparentées au tutorat mais préviennent que le « peer-learning » n’est pas la réponse magique à l’enseignement.
De son côté, ChallengeMe, une plateforme digitale d’évaluation par les pairs, défend cette idée en soulignant les bénéfices de l’intelligence collective et du partage du savoir pour l’apprenant. Plusieurs universités ont déjà expérimenté cette démarche dans le cadre de certains enseignements, l’université Paul-Valéry Montpellier 3 ou l’université de Lorraine par exemple.
Son co-fondateur, Ludovic Charbonnel précise sa vision dans une interview que nous publiions en novembre dernier
5 – Vers une plus grande flexibilité des apprentissages
La technologie apporte incontestablement plus de flexibilité à nos vies professionnelles et il peut en être de même pour nos vies d’apprenants. Une nouvelle attente exprimée par les publics apprenants est naturellement de disposer librement de leur temps et de ne plus être contraints par des parcours rigides et figés dans le temps.
Même s’il existe déjà des possibilités de moduler la durée d’apprentissage pour certains diplômes, ceci est le plus souvent réservé à des publics spécifiques, dans des circonstances particulières. Néanmoins quelques diplômes, le plus souvent dispensés en ligne, s’ouvrent à une plus grande flexibilité temporelle pour leurs apprenants. C’est notamment le cas du MBA (100% en ligne) de la Birmingham Business School, qui peut être suivi sur une période allant de 2,5 ans à 5 ans, suivi le choix de l’apprenant. Grâce au développement d’outils d’apprentissage virtuel plus rationnels et à l’utilisation de la vidéoconférence en même temps que d’autres outils, M. Andrew Parker, Directeur de la digital education and distance learning à la Birmingham Business School, estime que « les gens pourront poursuivre leur formation quand, où et au rythme qui leur convient le mieux ».
Pour autant lorsqu’on évoque ici cette notion de flexibilité, il est important de ne pas se focaliser sur les parcours mais bien sur les technologies nouvelles à déployer pour permettre à la pédagogie d’être mieux adaptée à son public.
En conclusion, nous vous souhaitons de faire preuve d’agilité en 2022, tant le contexte et les situations sont changeantes. Fort heureusement, la technologie progresse vite et permet à tous les acteurs de l’enseignement supérieur qui le souhaitent de relever les défis auxquels ils font face. Suivre ou créer les tendances appartient encore à celles et ceux qui animent l’économie de la connaissance, au premier rang desquelles les universités !