Le secteur EdTech a explosé de manière internationale durant la crise Covid-19, le numérique devenant le moyen prioritaire pour continuer à enseigner. En Chine, la situation a particulièrement évolué ces dernières années. Après avoir connu une croissance forte, le gouvernement a pris une décision radicale en juillet 2021, mettant en péril l’activité des EdTech les plus lucratives du pays.
Quelle situation en Chine avant et pendant la crise dans le secteur EdTech ?
Pour bien comprendre les dynamiques du marché de l’éducation en Chine, il faut dans un premier temps s’attarder sur l’histoire et la culture du pays. Nouveau pays industrialisé (NPI), la Chine s’est développée de manière très importante grâce à la mondialisation. Elle s’est trouvée face à la nécessité d’éduquer et de former plus massivement la population. Mais comment rendre l’éducation accessible à des millions d’individus ?
La Chine s’est rapidement intéressée aux technologies qui facilitent l’accès aux ressources éducatives, et qui peuvent faciliter ce nouveau besoin massif d’apprentissage. En 2016, le gouvernement promet d’ailleurs un investissement de 30 milliards de dollars dans les technologies de l’éducation d’ici 2020.
De nombreuses startups se créent en surfant sur la culture du pays tournée vers l’excellence, et contribuent ainsi à renforcer le caractère élitiste de l’enseignement dans le pays. En effet, dès leur plus jeune âge, les enfants suivent des cours particuliers en semaine et souvent même le weekend pour apprendre toujours plus et développer plus rapidement leurs compétences. Les parents, qui sont aussi à l’origine de cette course à l’excellence, n’hésitent pas à dépenser de grosses sommes pour s’assurer de l’avenir de leur progéniture. Ainsi, dans les grandes villes chinoises, les familles dépensent en moyenne 7000 dollars par an dans l’éducation de leurs enfants, selon l’étude réalisée par EdTech Media Platform.
Le marché EdTech n’en est alors que plus florissant. Dans ce pays qui compte plus de 300 millions d’élèves, 20 startups EdTech sont introduites en bourse en 2018. Certaines d’entre elles dominent le marché mondialement ! Depuis, la crise sanitaire et le confinement très restrictif imposé en Chine ont fait exploser le recours aux solutions EdTech qui se sont développées de manière très importante. De toutes les licornes (startups valorisées à plus d’un milliard de dollars) EdTech existantes début 2020, la Chine en compte 8, selon les statistiques d’HolonIQ.
Parmi elles, on retrouve Yuanfudao, une application d’aide aux devoirs proposant plusieurs solutions d’e-learning, passant du streaming à la préparation d’examens. Elle a été valorisée à 15,5 milliards de dollars, record pour le secteur EdTech et a récemment réalisé une levée de fonds de 2,2 milliards de dollars.
Sa concurrente, Zuoyebang, qui a levé 1,6 milliards de fonds en 2020, est une application éducative qui répond aux besoins des élèves, de la primaire au lycée. Ils peuvent y enregistrer leur question de cours, quand l’application propose aussi des cours en ligne et des aides au devoir.
Le domaine des cours particuliers privés est l’un de ceux qui a le plus grandi dans le secteur EdTech. Ce marché, qui s’adresse essentiellement aux élèves de la primaire à la terminale, mais aussi aux étudiants préparant le concours d’entrée à l’université, pèse aujourd’hui plus de 120 milliards de dollars.
Alors pourquoi parle-t-on de crash des EdTech en Chine ?
Le gouvernement chinois a récemment décidé de réguler l’écosystème EdTech de manière drastique. Face à une augmentation trop importante du rythme de soutien scolaire et des tutorats privés, creusant de fortes inégalités, le pays a décidé de faire passer toutes les EdTech du secteur K12 (6-18 ans) sous le statut d’associations à but non lucratif. Il a récemment serré la vis un peu plus fort, en interdisant les cours de tutorat le week-end et pendant les vacances scolaires. Le gouvernement évoque aussi vouloir se débarrasser d’une “maladie chronique”, mettant en danger la santé mentale des enfants.
Néanmoins, les parents ne sont pas satisfaits de cette décision qui vise pourtant à réduire la pression sur leurs enfants et la charge financière qu’ils supportent. Ils estiment que les solutions publiques proposées par l’Etat sont trop souples et laissent trop de place au loisir et à la distraction, quand leurs enfants pourraient travailler beaucoup plus sérieusement.
Du côté des marchés, cette nouvelle a évidemment fait chuter la valorisation des entreprises de manière brutale, les réduisant pour certaines de 70 à 90%.
“Le groupe New Oriental a perdu plus de 62% de son business” décrit Mehdi Cornilliet dans son article “ la condamnation à mort des EdTechs en Chine”
Que faut-il retenir de cette situation ?
La Chine, 2e puissance économique mondiale, a connu une très forte croissance et structure à présent le pays non plus pour générer uniquement du profit, mais aussi pour équilibrer la qualité de vie des habitants. Innover oui, mais pas au détriment de la société ! Ces nouvelles mesures visent avant tout à éviter le déséquilibre trop important de l’égalité des chances, et permettre aux enfants d’être mieux protégés face à leurs parents qui subissent eux-même la pression d’un enseignement élitiste. Ces restrictions ont aussi été appliquées dans d’autres domaines, notamment dans la tech et le numérique afin de mieux gérer la data, dans sa collecte et dans son utilisation et ainsi mieux protéger les utilisateurs.
Si la Chine a été l’un des leaders mondiaux du secteur EdTech durant ces dernières années, il semblerait que les cartes soient en passe d’être rebattues. Ces mesures prises en Chine doivent sans doute nous faire réfléchir sur le sens de la croissance de nos activités économiques dans la EdTech bien sûr mais plus largement dans l’ensemble des secteurs numériques et notamment ceux qui collectent nos données !
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