Jérôme Laniau est Président de la société Trois Petits Points, une agence dédiée à la valorisation de la recherche scientifique.
Les Robots : Comment Trois petits points est-elle engagée dans la lutte contre les Fake News ?
Jérôme Laniau : Notre mission de départ, c’est surtout la valorisation de la démarche scientifique et d’accroitre l’impact de la recherche. En France, lorsqu’on commence à s’intéresser à la science, on rencontre de plus en plus de sceptiques, de personnes qui remettent en cause certaines vérités scientifiques. Or les chercheurs, celles et ceux qui font avancer la science sont pratiquement devenus invisibles ou inaudibles, face à la montée des réseaux sociaux.
Alors qu’avant on allait chercher une information de qualité en identifiant la source, aujourd’hui nous subissons le flot d’informations que nous ne pouvons plus vérifier. Et la confiance diminue progressivement, jusqu’à un niveau qui nous parait grave. Par exemple, 1 jeune sur quatre croit que l’homme n’a jamais marché sur la lune. 1 jeune sur 6 pense que la terre est plate. Comment est-ce possible ? Parce qu’il y a des milliers de messages sur les réseaux sociaux qui l’affirment.
Et ce phénomène est aggravé par la perte de lien que nous avons avec la science et les chercheurs. Aussi Trois petits points se donne cette mission de redonner sa place à la démarche scientifique et à recréer du lien avec les chercheurs.
Les Robots : Quels sont les moyens que vous développez en ce sens ?
Jérôme Laniau : La première chose que je voudrais expliquer, c’est qu’il s’agit pour nous d’aller sur le terrain. De créer la rencontre entre le public et les chercheurs. Que ce soit dans une classe ou même dans la rue, dans une salle publique où nous invitons des habitants d’une ville, par exemple, l’idée est d’être dans le débat, d’être ouvert aux arguments contradictoires. Sur le sujet des fake news, par exemple, nous proposons des ateliers de création de fake news.
Pour nous, la meilleure manière de comprendre ce qu’est une fausse information, c’est d’en créer et de voir comment cela fonctionne. A La Rochelle, nous avons créé une fake news annonçant que l’on avait trouvé des documents officiels dans les restes d’une épave coulée, qui prouveraient que La Rochelle est la propriété du Royaume Uni. Nous avons fait circuler l’information et tous les participants ont pu constater avec quelle facilité cette fake news était acceptée par la population. Evidemment, nous avons révélé la supercherie, mais il était quasi impossible de vérifier la véracité de l’information. Or la circulation, l’amplification des fakes news partent bien du terrain, d’un niveau local très précis, pour ensuite être propulsées plus largement par la viralité des réseaux sociaux.
L’autre volet de nos actions, c’est le développement d’applications qui vont permettre de redonner de la confiance dans la démarche scientifique. Nous lançons actuellement SCISO, une application pour la médiation scientifique.
SCISO permet d’ouvrir des discussions autour de thèmes scientifiques complexes, en intégrant l’expérimentation, le questionnement critique, et le débat d’idées. L’application est conçue pour favoriser la confrontation des points de vue et l’échange argumenté, et stimuler la co-construction chercheurs-médiateurs-apprenants. Mais nous travaillons aussi sur d’autres axes, comme celui du lien entre la science et l’art.
Nous proposons de nombreux moyens graphiques, artistiques de rendre la science plus belle, plus émotionnelle pour toucher un public plus large.
Les Robots : Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur la remise en cause des chercheurs et de la science que l’on peut constater en ces temps agités ?
Jérôme Laniau : Sans faire de politique, on voit bien que c’est le principe même de la science qui est remise en cause. On doute désormais de tout et de tout le monde, y compris de la science. Ce qui est paradoxal, c’est que le doute est au cœur du processus de recherche. La remise en cause des hypothèses, de l’acquis ou de la connaissance passée, est fondamentale pour la recherche.
C’est sur ce doute originel que se construit la démarche scientifique, qui va par la suite exiger des protocoles extrêmement rigoureux et des validations ou des démonstrations par la communauté. Si le doute est indispensable, c’est la manière dont nous cherchons des réponses à nos questions qui pose désormais question.
Et justement, chez Trois petits points, nous pensons que seul le lien direct avec le chercheur peut permettre de modifier les comportements d’aujourd’hui. Ce lien se tisse par le partage, l’écoute, la transmission d’émotions, tout ce qui manque à la jeune génération.
Les Robots : Quels sont vos projets pour l’année à venir ?
Jérôme Laniau : D’abord lancer nos applications et les faire connaître. Nous avons plusieurs modèles d’application qui visent toutes le même objectif global de réconciliation du public avec la science.
Mais nous développons aussi des formations pour la médiation scientifique, des projets artistiques et autres. Et puis il y a deux vecteurs : d’une part la société, et de l’autre l’association qui a évidemment volonté à rassembler tous celles et ceux qui veulent porter cette mission et qui peuvent nous rejoindre.
Beaucoup d’ambition mais aussi la conviction que nous pouvons changer les choses.
Merci Jérôme d’avoir répondu à nos questions !
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