« Ce que nous devons apprendre à faire, nous l’apprenons en le faisant ». Cette déclaration du philosophe et savant grec a depuis toujours trouvé une résonnance forte dans les métiers manuels, comme en témoignent certains dictons populaires. Mais en est-il de même lorsqu’il s’agit d’acquérir des savoirs universitaires ? Comment les établissements d’enseignement supérieur où prévaut encore la parole des maîtres, ont-ils peu à peu adopté la simulation comme méthode d’acquisition des savoirs ?

Depuis l’émergence des technologies numériques, les moyens d’accéder et de transmettre la connaissance ont fortement évolué. Désormais un calculateur est capable de simuler n’importe quel environnement, qu’il s’agisse d’une centrale nucléaire ou d’un corps humain, de la circulation dans une ville ou encore des locaux d’une entreprise. Tout peut être simulé avec une précision dans le réalisme qui devient fascinante avec l’apport de l’intelligence artificielle. Dès lors pourquoi se priverait-on de cette facilité à toucher du doigt la réalité, y compris lorsqu’elle est virtuelle ?

En médecine, le principe « jamais la première fois sur le patient » prend tout son sens aujourd’hui. Si depuis des siècles, les étudiants pratiquaient sur des « cadavres » ou des mannequins plus ou moins réalistes, la simulation est désormais totale avec, notamment, le « jumeau numérique ». Un cœur, un corps entier peuvent être numérisés et servir de « terrain d’entrainement » pour les futurs praticiens. Toutes les réactions, les situations sont simulées et l’apprenant est confronté à quelque chose de proche du réel.

C’était déjà le cas dans d’autres métiers, comme celui de l’aviation, où les pilotes de ligne sont formés sur des simulateurs avant de prendre les commandes d’un avion. D’ailleurs, la technologie a aussi permis à de très nombreux amateurs de piloter un avion de chasse, un voilier de course au large, un char, un sous-marin ou encore un tracteur dans son champ. D’autres jeux vidéo ont fait de nous des gestionnaires de cité, des bâtisseurs d’empire, des réalisateurs de cinéma ou encore des entraineurs de football. La simulation est un moyen offert aux humains de vivre les expériences des autres à peu de frais (ou presque).

Mais quels sont les principaux bénéfices de la simulation dans le cadre d’un parcours de formation à l’université ?

Comme le rappelle l’Université Paris Cité, « dans le cadre de la formation initiale, la simulation permet aux étudiants d’acquérir de l’expérience grâce à la reproduction de gestes et à la mise en situation. » Pour toutes les facultés de médecine, l’objectif prioritaire est de minimiser le risque supporté par le patient, en ayant préalablement formé le praticien à la situation critique rencontrée. Les possibilités infinies de mise en situation permettent alors de couvrir la quasi-totalité des risques. La simulation devient alors un complément indispensable à l’enseignement théorique. Aujourd’hui des plateformes telles que Ilumens propose de mettre des salles avec mannequins connectés et équipements de simulation à disposition des enseignants et des apprenants via un accès internet.

Par exemple, on pourra simuler toutes sortes d’intervention, dans une salle « adulte » équipée de :

  • 3 caméras pour la retransmission des séances de simulation

  • Un respirateur fonctionnel

  • Un chariot d’urgence avec défibrillateur

  • Un mannequin adulte ResusciAnne piloté par Simpad

  • Un mannequin adulte SimMan Essential Bleeding piloté par LLEAP

  • Un moniteur patient

  • Tout le matériel d’une chambre d’hospitalisation moderne

apprentissage et simulation

Tous les acteurs de la formation s’accordent à dire que les gestes à acquérir demandent de l’entrainement, de la pratique. Pour autant, l’un des apports majeurs de la simulation se trouve dans la qualité du « débriefing ». L’enseignant doit alors réussir à faire s’exprimer les apprenants sur leurs ressentis, leurs difficultés ou leurs satisfactions, afin d’apporter à la fois des réponses et des encouragements. Car le savoir acquis dans la pratique se mémorise au travers d’un ressenti positif, du sentiment d’avoir bien fait les choses.

L’autre bénéfice essentiel de la simulation réside dans la plus grande autonomie de l’apprenant. Les plateformes numériques et les cours en distanciel lui donnent déjà accès à la connaissance à tout moment et sans contrainte géographique. La simulation lui permet d’aller plus loin encore, en testant, en expérimentant toutes sortes de situations. Ainsi, l’Université du Colorado Boulder propose depuis près de vingt ans, des simulations en sciences et en mathématiques, accessibles à tous les apprenants (inscrits ou non à des programmes dispensés par l’université). Sous l’impulsion du prix Nobel de Physique en 2001, Carl Wieman, le projet de Simulations interactives PhET a été créé en 2022. Les Sims Phet [1] sont basées sur une formation approfondie, la recherche et le fait de faire participer les élèves, à travers un environnement intuitif ressemblant à un jeu. On peut ainsi s’amuser avec des séries de Fournier, à stimuler un neurone ou encore à explorer le système solaire depuis son ordinateur personnel. Les enseignants y trouvent, pour chacune des 164 simulations interactives, des indications d’objectifs pédagogiques à valider dans l’apprentissage. Plus de 3000 leçons ont ainsi été proposées par des enseignants sur la base des Sims Phet. Au total, le milliard de simulations délivrés a été dépassé.

Mais la simulation n’est pas un domaine réservé à la science ou à l’apprentissage d’un métier manuel.

Elle est également déployée pour des formations où la théorie est la base de l’apprentissage comme le droit par exemple. Ainsi l’université catholique de Lyon propose à ses étudiants de prendre part à des procès fictifs[2] dans le cadre des Tech Law Clinics, un projet financé par Erasmus+ et en partenariat avec la Cour administrative d’appel de Lyon. Outre les questions liées à l’impact de la technologie sur le droit, ces procès fictifs ont été proposés sur des thèmes divers : « dans le cadre du DU Droit du Climat et du Développement Durable de l’UCLy, les étudiants peuvent participer à un procès fictif sur un cas juridique lié à des problématiques environnementales. Pour l’édition 2022, le cas reprenait un conflit entre une mairie et un food truck dont l’activité, dans une zone naturelle protégée, a mené à un litige. » Ainsi plongé dans la réalité d’un tribunal, les étudiants ont pu se rendre compte de l’équilibre difficile à trouver entre liberté du commerce, liberté individuelle et protection de l’environnement.

Si la simulation est un atout important pour l’acquisition des savoirs et leur mise en pratique, elle a d’autres vertus. Les travaux de recherche publiés dans « Using Simulations to Promote Learning in Higher Education » par John Paul Hertel et Barbara Millis en 2002, autour des apports de la simulation pour les apprenants ont naturellement évalué les bénéfices dans l’acquisition des savoirs et compétences individuelles. Mais ils ont par ailleurs, mis en lumière, un point clé dans l’apprentissage : celui du partage de l’expérience. Le gain est également collectif.

En effet, le partage collectif de l’expérience est un catalyseur des savoirs et des savoir-faire. Chacun exprime devant le groupe ou la classe, ce qu’il a vécu, donnant ainsi aux autres un éclairage différent et complémentaire. Mieux encore, il se construit alors un véritable savoir collectif, assurant une forte équité dans l’acquisition de connaissances. Ainsi, la simulation est un réel activateur de lien social. Les réactions des uns et des autres étant par nature différentes, en prendre conscience et voir les choses avec les yeux des autres constitue une opportunité majeure d’enrichir ses connaissances.

Celles et ceux qui en font l’expérience dans leur quotidien professionnel sont tous les apprenants de la sphère économique et politique. Là encore, la simulation, le jeu de rôle est une technique pédagogique éprouvée et qui fournit d’excellents résultats. Apprendre à négocier, tenir compte instantanément de nouvelles règles du jeu, trouver une sortie positive dans une discussion complexe et multipartite, s’apprend en simulant.

apprentissage et simulation

C’est le cas dans les écoles de management du monde entier et c’est aussi ce que propose Harvard Graduate School of Education à ses étudiants. Ainsi dans une vidéo très explicite[3], Brian Mandell et son équipe d’enseignants expliquent comment ils conçoivent des expériences de simulation en classe qui reflètent le monde réel et font monter la pression pour les étudiants. Cette simulation de négociation mondiale, en particulier, présente des intérêts divergents, des chocs culturels et des bulletins d’information périodiques qui modifient le terrain même sur lequel les fragiles négociations des étudiants sont construites.

Les vertus pédagogiques de la simulation sont reconnues dans toutes les disciplines. Le numérique a là-aussi accéléré l’emploi de ces techniques d’apprentissage et les établissements d’enseignement supérieur se sont naturellement équipés pour améliorer l’expérience de tous.

Cela contribue indéniablement à remplir la mission fixée aux universités visant à rendre les formations dispensées plus opérationnelles et plus proches des besoins des entreprises. La simulation et les technologies numériques leur permettent d’aller plus loin dans cette recherche de performance. Tous les métiers sont et seront impactés par les avancées de la technologie. La simulation doit être vue comme un moyen d’apprendre à maitriser un environnement en constant changement et à faire face aux situations encore imprévues.

Simuler c’est apprendre à faire pour demain !

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