Nos cousins d’outre-Atlantique sont aussi férus de technologie que « nous autres » et le domaine de l’éducation est l’un des plus investis par les jeunes pousses au Québec. « C’est une communauté brillante et passionnée, sincèrement engagée pour l’éducation », annonce Julie Pigeon, la DG de Edteq (avec un Q pour Québec), dans son récent entretien avec son homologue française Anne-Charlotte Monneret. Précision importante sur cet écosystème en pleine croissance, seules 13% des entreprises Edteq sont orientées vers l’enseignement supérieur.
Rappelons que le Québec est la province de langue française du Canada dont les villes principales sont Montréal et Québec. C’est d’ailleurs la plus grande province du Canada, deuxième plus grand pays au monde, qui regroupe plus de 8 millions d’habitants (soit plus de 20% de la population totale). Quelques 17 000[1] étudiants français sont attirés par la qualité de l’enseignement supérieur au Québec et au Canada, d’autant que près de 700 centres de recherche universitaire sont recensés pour la seule province francophone. Le Canada est ainsi devenu la première destination pour les jeunes français en quête de diplômes étrangers.
Au Québec, l’entrée à l’université se prépare.
Étudier au Québec séduit plus de 50 000 étudiants du monde entier, mais pour les québécois, il existe une particularité que l’on ne trouve pas ailleurs : le CEGEP (Collège d’enseignement général et professionnel). C’est le premier échelon de l’enseignement supérieur. S’il permet à certains de s’orienter vers le monde du travail, il est également un passage obligé avant l’université et délivre un diplôme après deux ans, le DEC (Diplôme d’études collégiales). Pour les français qui souhaitent intégrer l’université, il faudra soit intégrer un CEGEP, soit être sélectionné sur dossier selon les conditions d’admissions des différentes universités. Ensuite on retrouve le schéma des 3 cycles du parcours universitaire, où la licence de premier cycle (sur 3 ou 4 années) s’appelle « baccalauréat », suivie par la maitrise (1 ou 2 ans) puis par le doctorat pour le troisième cycle (sur 3 ans ou plus).
Pour soutenir le déploiement des solutions numériques dans la province, le gouvernement du Québec a présenté un plan doté de 350 millions de dollars canadiens (CAD), dont 27% sont en direction de l’enseignement supérieur. En 2021, le Québec a, par ailleurs, investi 10 M CAD pour l’achat d’équipements numériques dans les universités. Faire face aux mutations des systèmes pédagogiques est impératif pour cette nation jeune dont les attentes sont importantes et certainement accentuées par les contextes géographique (distances importantes) et climatique (hivers froids et enneigés). Il est important de rappeler qu’au Canada comme au Québec, le parcours dans les écoles du primaire et du secondaire se déroulent sur 11 ans (6 années de primaire puis 5 années au secondaire) contre 12 années en France (avec 5 années au primaire puis 4 au collège et 3 au lycée). Cette différence souligne la volonté d’orienter vers des formations professionnelles plus tôt, mais aussi de mieux préparer les étudiants ayant choisi des parcours universitaires plus longs. Naturellement, on retrouvera cette dualité d’orientation dans les missions adressées par les entreprises qui proposent des solutions numériques pour l’enseignement.
Nos cousins d’Amérique sont à la fois créatifs et entrepreneurs dans l’âme !
Les dernières études recensent 110 organisations EdTech au Québec dont l’énorme majorité se répartissent entre Montréal et Québec. La création de contenus et la conception de logiciels ou de solutions numériques, sont les domaines les plus représentés (72% des sociétés EdTech) et attractifs pour un marché national qui se divise entre les organisations (établissements éducatifs et entreprises) et les particuliers (apprenants et familles et d’autre part, enseignants et formateurs). Il est à noter que la vaste majorité de ces entreprises sont de petite taille (75% ont moins de 20 salariés) et que leur dynamisme dépend pour beaucoup de leur capacité à séduire une clientèle hors du Québec et même du Canada. Si deux tiers des sociétés EdTech sont amenés à travailler pour des clients situés à l’extérieur de la province (Canada, États-Unis et Europe) c’est notamment parce que le marché québécois est particulièrement compliqué, voire conservateur sur tout ce qui concerne l’éducation.
Entre opportunités d’un modèle éducatif avant-gardiste et contraintes issues de l’inertie et des lourdeurs administratives, l’implantation de solutions numériques sur le marché québécois est un défi à relever pour les acteurs de la transformation digitale de l’enseignement. À la fois terre d’innovation, comme dans les domaines de l’aérospatiale, de la pharmacie, des biotechnologies ou des technologies de l’information et de la communication, le Québec reste à conquérir pour les EdTech.
Attache ta tuque avec d’la broche et arrêtons de niaiser avec le puck : découverte immédiate de quelques EdTech qui sortent du bois ! [2]
S’il n’est pas possible de passer en revue l’ensemble des 110 EdTech implantées dans la belle province, nous vous proposons trois exemples de ce qui se fait de mieux et d’inspirant.
Tout le monde le sait, aujourd’hui il est crucial de savoir pitcher ! Pitcher son projet d’étudiant, son projet professionnel, son métier ou son entreprise face à un client ou à un investisseur. Sans doute aussi est-ce un passage obligé pour les fondateurs de EdTEch, alors découvrez avec nous Pitchonair Inc (lire Pitch On Air).
Pitchonair, c’est une plateforme numérique qui permet à chacun de s’exercer et de progresser dans sa prise de parole publique. C’est un véritable outil d’auto-évaluation, qui vous propose de vous enregistrer, de commenter vos expressions, orales et faciales, de vous placer dans un contexte temporel précis, de travailler sur le débit, le rythme, les intonations, et de les comparer avec des référents ou avec votre historique afin de mesurer vos progrès. Une idée simple et accessible aux individus comme aux entreprises. Chacun son pitch ! Constatant que 57% des gens n’ont pas pratiqué ou répété leur intervention, leur prise de parole en amont, et que 36% le font devant leur téléphone ou leur miroir, on comprend qu’il y a un vrai débouché pour cette start-up. Pitchonair propose un modèle économique sur la base d’abonnements annuels en mode SaaS.
Une autre activité clé de tout système éducatif est celle de l’évaluation. Évaluer les compétences, les connaissances, et les aptitudes professionnelles exige énormément d’efforts pour les enseignants. Avec la numérisation des outils pédagogiques, la montée en puissance des formations en distanciel, se développe de nouveaux modes d’évaluation.
Nexam, est une start-up québécoise spécialisée sur ce thème. Elle propose une plateforme agile permettant aux enseignants mais aussi aux formateurs ou recruteurs du monde de l’entreprise, d’imaginer de nombreux formats d’évaluation et de gagner un temps précieux lors des corrections des examens. Toutes les fonctionnalités sont accessibles entièrement en ligne, et ne nécessitent aucun téléchargement préalable. Outre les différents modèles de questions ou d’examens mis à la disposition de l’enseignant, Nexam propose un espace de rédaction sécurisé pour les répondants. Ce qui est rendu possible par l’activation des enregistrements d’écran et de la webcam, et détecte toute tentative de fraude ou d’anomalie durant la durée des épreuves. Aujourd’hui Nexam travaille avec l’Université Laval et de nombreux autres organismes au Québec et ailleurs.
Outre les outils, les plateformes destinées à produire et diffuser des contenus en direction des apprenants, du scolaire ou du supérieur, l’un des enjeux majeurs des EdTech est celui de l’accompagnement des enseignants et des personnels pédagogiques. Au Québec aussi, la transformation accélérée des pédagogies, bouleverse les habitudes du corps enseignant.
C’est ce défi numérique qu’a choisi L’École Branchée parce que, pour elle, les défis du numérique sont avant tout humains et relationnels. L’École Branchée accompagne le développement de l’expertise professionnelle en éducation à l’ère du numérique par des moyens variés et créatifs. La plateforme en ligne propose trois niveaux d’accompagnement : l’accès à des magazines d’information professionnelle sur abonnement, une offre de formation continue CREACAMP avec des cours et des journées de formation, et enfin une banque d’activités numériques SCOOP!, là encore sur abonnement. L’offre est très riche et pour une partie accessible gratuitement sous la forme d’articles ou de contenus courts. A noter que certaines activités sont soutenues par les gouvernements du Québec et du Canada.
Voilà en quelques exemples un portrait dynamique de ce que les Edtech au Québec mettent en place pour répondre aux enjeux croissants de la transformation numérique de l’enseignement. Si nous avons mis en avant dans cet article les entreprises qui s’adressent en priorité à l’enseignement supérieur, il est important de souligner que le secteur du primaire est également très représenté dans l’écosystème start-up de nos cousins d’Amérique.
PS : Retrouvez les #Edtech en Inde ici et les #Edtech en Amérique latine là !
[1] En 2018, source : Campus France
[2] Le français parlé au Québec est riche de nombreuses expressions imagées et savoureuses qui donnent une autre tonalité à la langue française et font la fierté de nos amis québécois. Attache ta tuque avec de la broche, signifie ici que cela va décoiffer, on prend de la vitesse ; tandis qu’arrête de niaiser avec le puck (palet du hockey sur glace) renvoie à l’idée qu’il n’y a pas de temps à perdre.