En France comme partout dans le monde, chaque jour qui passe voit croître la conversation autour des IA génératives. Elles sont désormais dans la trousse de plus de deux tiers des étudiants, comme un outil, une assistance, et même une source d’inspiration au quotidien. Alors, doit-on encore parler de tendance à propos de l’intelligence artificielle, ou au contraire chercher à mieux comprendre les futures évolutions qu’elle nous promet ? Car il reste beaucoup à découvrir, et les champs d’application de l’IA générative vont très largement dépasser les images et les mots.

Les Robots se sont mis en veille. Ils ont écouté, lu, entendu ici ou là, ce qui peut et va certainement changer dans le monde de l’enseignement supérieur. Pas facile de faire le tri dans ce fourmillement de nouvelles idées, ou de solutions numériques, même si le dynamisme du secteur est parfois pondéré par un climat économique et politique compliqué. Les voilà de retour de cette mission passionnante, pour vous présenter ici cinq tendances à suivre en 2025.

Les Robots souhaitent vous éclairer sur la question qui animera, à  n’en pas douter, cette année 2025 : quels sont les nouveaux usages de l’IA générative et comment les pratiques pédagogiques évoluent-elles ?

1 – Evolution 

C’est la première tendance de 2025. Là où le débat portait sur « pour ou contre » les IA génératives l’an dernier encore, aujourd’hui, moins d’un an après, l’adoption est massive et elle a permis de créer des mouvements puissants pour tout renouveler. C’est absolument inédit dans l’histoire de l’enseignement. Jamais une avancée technologique n’avait connu une telle vitesse de propagation et de telles réactions positives, nous semble-t-il. Si l’on se réfère à la difficulté constante que notre pays rencontre à réformer son système éducatif, il y a de quoi être surpris. Évoluer pour rester en vie est un principe de l’Humain, et il trouve toute sa véracité dans ce qui agite à la fois enseignants et établissements face à ce changement majeur dans le rapport à la connaissance. De nouveaux usages surgissent, pratiquement chaque jour, et du monde entier. Ici on intègre l’IA générative pour stimuler l’esprit critique, la créativité des designers ou l’acuité des recherches des archéologues, ailleurs on enseigne et examine les gestes du médecin via des simulations intégrales des conditions d’une salle d’opération. Rien ne s’imagine plus sans le concours de l’IA, et toute discipline en est profondément changée, y compris la pratique sportive pourtant expression du corps et pas seulement de l’intellect.

Deux exemples pour illustrer cette évolution rapide :

  • Aux États-Unis, les enseignants ont indiqué que s’ils aimaient avant tout enseigner, ils consacraient environ 28 % de leur temps à la préparation des cours. Or l’IA réduit certains de ces processus, en faisant gagner un temps précieux aux enseignants. En plus d’être un outil permettant de gagner du temps, de nombreux enseignants vont encore plus loin et utilisent l’IA pour créer du contenu et s’assurer que leurs cours sont plus précis et cohérents.
  • L’IA permet d’examiner les schémas de travail et d’évaluation pour offrir une image claire des forces, des faiblesses et des besoins des étudiants. Ces informations, rapidement transmises aux professeurs, créent les conditions d’un suivi hyper personnalisé de chaque étudiant permettant ainsi de l’accompagner dans ce dont il a précisément besoin. Ainsi, l’IA a le potentiel de créer un espace d’enseignement supérieur plus juste, plus équitable et plus efficace.

2 – La créativité

Certes, l’université apprend à réfléchir. Elle dépasse depuis longtemps la diffusion de la connaissance, pour explorer le développement des compétences. Mais elle le fait très majoritairement dans ce qu’il est convenu de désigner comme le cadre académique. Or, s’il est essentiel de former des têtes bien faites, le rythme accéléré de l’innovation technologique souligne l’importance croissante des esprits créatifs dans les processus innovants. Sortir des chemins balisés ne sera plus le domaine réservé du chercheur, mais au contraire un réel atout pour les futurs diplômés lancés à la conquête de l’emploi. Être créatif n’est d’ailleurs pas l’apanage des seuls étudiants. Les nouveaux enseignants doivent eux aussi penser hors de la boîte. De même que les établissements qui se lancent dans des projets de transformation, à l’instar du projet NEXUS de l’université Paul Valéry Montpellier 3

Un rapport sur la créativité publié par Canva, souligne que de nombreux établissements d’enseignement adaptent leurs programmes aux compétences dont les employeurs ont réellement besoin, en mettant l’accent sur la créativité. En donnant la priorité à la créativité tout au long de l’enseignement, les étudiants restent plus engagés et développent d’importantes compétences en matière de pensée critique et de résolution de problèmes.

Étude Canva

La créativité est le rempart de l’humain face à la machine. Et, au rythme auquel les machines apprennent et nous imitent, il y a là un vrai défi à relever pour les jeunes générations. Ce ne sont pas les Robots qui vous diront le contraire !

3 – La réussite

Pendant les quatre dernières années, nous avons beaucoup évoqué l’accès au savoir, le respect de la diversité, de l’inclusion, ou de la dimension sociale des difficultés rencontrées par les étudiants du supérieur. Pandémie, santé mentale, fragilité financière, misère relationnelle, la communauté étudiante subit de nombreux traumatismes et malgré quelques initiatives, demeure d’une grande fragilité. Les résultats sont-ils à la hauteur des efforts consentis ? Nombreux sont celles et ceux qui doutent et remettent en question la réussite promise. Quelle est-elle ? Peut-elle encore séduire la génération qui arrive après les tempêtes ? Comment les établissements du supérieur peuvent-ils répondre à ces angoisses de la jeunesse ?

Accompagner la réussite et éviter les décrochages semblent les mots d’ordre actuels. À cela s’ajoute désormais une obligation de personnalisation, pour prendre en charge chaque individualité. Par exemple, une enquête 2023 du ministère américain de l’éducation montre que plus de 80 % des écoles (US) proposent désormais une forme ou une autre de tutorat, allant de l’aide aux devoirs après l’école à des séances individuelles intensives. Rien de révolutionnaire ici, si ce n’est la façon dont la technologie remodèle le tutorat pour répondre aux besoins des élèves et des enseignants. Les solutions de tutorat numérique permettent aux élèves d’obtenir de l’aide à tout moment, qu’il s’agisse d’une question rapide sur un devoir ou d’un approfondissement d’un sujet difficile. De nombreuses plateformes proposent également des sessions vidéo, permettant aux élèves de communiquer entre eux et avec leur tuteur depuis leur domicile.

Au Canada, une « COP Intégrité intellectuelle en enseignement supérieur » a vu le jour en septembre sous la houlette de l’AQPC (Association québécoise de pédagogie collégiale). Il s’agit dans ce projet exemplaire de « créer un réseau de soutien » où chacun peut partager ses expériences.

Et puisque la réussite est devenue personnelle dans notre société, les parcours, les rétroactions se doivent de l’être aussi et de s’appuyer sur des informations remises dans le contexte de chacun des apprenants. À chaque étudiant, son université ! Il est clair que l’Intelligence Artificielle constitue une ressource majeure lorsque l’on souhaite proposer une hyper personnalisation de l’apprentissage et emmener chacun sur le chemin du succès.

4 – Réalité mixte

Ces dernières années, la réalité virtuelle a pris d’assaut le monde de l’enseignement, proposant des univers numériques pour compléter voire remplacer le monde physique, les amphis, les salles de cours et même les professeurs ou les labos. Bientôt, tout le monde est revenu au principe de la réalité : nous sommes des animaux sociaux. Et nous avons besoin d’une relation terrienne à notre environnement. C’est ainsi que s’est rapidement imposé à tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, la nécessité d’une hybridation globale, débouchant sur la réalité mixte.

Cette réalité mixte s’applique déjà dans de nombreuses universités et via des projets touchant la majorité des disciplines. Ainsi, dans les disciplines STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), la RM (réalité mixte) aide les étudiants à visualiser et à comprendre des concepts complexes par le biais de simulations interactives. Cela facilite la rétention des connaissances et l’application pratique des théories. A l’Université Laval au Québec, un projet innovant propose d’utiliser une plateforme (via StellarX) pour créer des parcours en réalité mixte. Le projet consiste à participer à la création d’un parcours de formation personnalisé qui utilise les technologies immersives afin que les apprenants s’engagent à développer leurs compétences.

D’autres projets, comme « Meta for Education”, intègrent la réalité mixte dans les salles de classe, permettant aux enseignants d’utiliser des outils interactifs pour rendre l’apprentissage plus engageant. Des universités prestigieuses, telles que l’Arizona State University et l’Imperial College London, participent à ces programmes pour tester et affiner ces technologies avant un déploiement plus large. Par ailleurs,  le professeur Kim Grinfeder de l’Université de Miami perçoit “cette technologie comme un outil qui révolutionnera la manière dont nous enseignons”, en introduisant le monde directement dans les salles de classe. Tandis que le professeur Rubén Durán du Community College de Houston, souligne “l’utilisation de la réalité virtuelle pour développer l’empathie chez les étudiants grâce à des projets immersifs.”

En Europe aussi, le concept de “Metaversité”, cher à Thierry Koscielniak, semble faire son chemin puisque l’Université de Leeds au Royaume-Uni et l’Université du Pays Basque en Espagne expérimentent déjà ce modèle. Par exemple, les cours de physiothérapie et d’anatomie utilisent la réalité virtuelle pour offrir des simulations réalistes, permettant aux étudiants de mieux comprendre des concepts complexes.

Enfin, il faut souligner l’intégration de cette réalité mixte, y compris pour l’acquisition de compétences relationnelles. La plateforme québécoise StellarX est un exemple d’outil qui permet aux étudiants de développer des compétences non techniques, telles que la créativité et la collaboration, dans un environnement virtuel. Cela répond aux besoins d’une économie en transition où les compétences interpersonnelles et techniques sont de plus en plus valorisées.

5 – Apprentissage socio-émotionnel

La réussite du parcours d’études se juge aussi à l’intégration des diplômés dans les entreprises. Force est de constater que les « jeunes » ont davantage de difficultés et d’exigences quant à leur vie professionnelle. Pour cela les compétences socio-émotionnelles sont devenues essentielles et font aujourd’hui partie intégrante des enseignements dans certains établissements. Il ne s’agit plus seulement d’apprendre à se présenter ou à prendre la parole en public. Au-delà de ces basiques souvent source de stress, l’étudiant de 2025 doit aussi maîtriser la connaissance de soi, l’autogestion, l’empathie, la résilience, la prise de décision, etc…

Alors que dans les pays anglo-saxons, l’évaluation des compétences et de l’intelligence émotionnelle sont de plus en plus reconnues et intégrées dans tous les programmes, en France les choses bougent un peu moins vite. Et pourtant, des projets de recherche sont menés pour évaluer l’impact de l’enseignement des compétences socio-émotionnelles sur la réussite académique et le bien-être des étudiants. Des études américaines (NY University) montrent que les étudiants ayant de solides compétences socio-émotionnelles tendent à obtenir de meilleurs résultats scolaires et à avoir une meilleure santé mentale.

Ainsi, l’Université Paul Valéry Montpellier 3 propose une formation de six jours destinée aux enseignants, axée sur la reconnaissance des émotions, la communication bienveillante et l’écoute active. L’objectif est de développer l’empathie et d’améliorer le climat scolaire, ce qui peut également influencer positivement les étudiants. Progressivement, les universités françaises adoptent des approches d’apprentissage socio-émotionnel pour enrichir l’expérience éducative de leurs étudiants. 

Preuve que les temps changent, ces initiatives visent à créer un environnement d’apprentissage positif qui favorise non seulement la réussite académique mais aussi le bien-être émotionnel et social des jeunes adultes. L’heure est à l’ouverture des horizons et au respect de l’individualité. 

L’avenir de l’université est-il dans une vision transversale de l’apprentissage ? Faut-il briser les silos et offrir des cours pluridisciplinaires permettant des « vues d’ensemble », comme l’affirme Steven Mintz, professeur d’histoire de l’Université du Texas à Austin ? 

Les tendances que nous avons relevées ici ne sont pas prophétiques. Nous souhaitons qu’elles alimentent la réflexion de nos lecteurs, pour choisir leurs batailles dans ce monde complexe et agité.