Alors que certains s’enthousiasmaient au printemps dernier, soulignant dans le sillage du gouvernement, que le nombre d’étudiants en situation de handicap accueillis à l’université avait doublé en 6 ans, Le Monde titrait encore : « L’enseignement supérieur n’est toujours pas à la hauteur des enjeux du handicap ».

Pourquoi ? Pourquoi cette impression, renforcée sans doute après la médiatisation historique des paralympiques de Paris 2024, que nous sommes à la traîne en matière d’inclusion ? Est-ce vraiment le cas ? Quels sont les projets et les innovations qui vont inverser la tendance ?

C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cet article.

Alors quand Laurent Champeney précise sa pensée en répondant aux journalistes du Monde, est-il juste ou simplement humble face à l’ampleur des enjeux ? « Mais nous avons toujours l’impression d’avoir du retard pour répondre aux besoins, tant ils sont importants », regrette M. Champaney. Et pour cause :

« La grande diversité des handicaps, dont beaucoup sont invisibles, ne facilite pas l’homogénéisation de la prise en charge. Et le souhait fréquent des étudiants de ne pas parler de leur situation ne nous aide pas », ajoute-t-il.

Pourtant « les résultats sont là » et « nous sommes sur une bonne dynamique » nous disaient en chœur les ministres, mesdames Sylvie Retailleau et Fadhila Rattabi, hier en charge respectivement de l’enseignement supérieur et de la recherche, et des personnes âgées et des personnes handicapées. Les chiffres des financements consacrés à l’inclusion, et au développement d’actions et de projets confirment d’ailleurs ce bon sentiment, puisqu’une hausse de 50% était constatée sur les moyens alloués au ministère de l’enseignement supérieur et de le recherche dans la loi de finance 2024, tandis qu’il annonçait 10 millions d’euros pour financer un appel à projets en direction des établissements universitaires.

« Conformément à son engagement constant en faveur de l’inclusion, le Gouvernement continuera d’accompagner les acteurs de l’enseignement supérieur et les associations de personnes handicapées pour faire évoluer durablement les pratiques », rappelle la déclaration officielle lors du quatrième comité national de suivi de l’université inclusive.

Avant d’intégrer des solutions techniques innovantes, il faut sensibiliser, changer les comportements et instaurer une véritable culture de l’inclusion dans les établissements. Ainsi, la majorité des 6 universités lauréates de l’appel à projet « universités inclusives démonstratrices » ont mis l’accent sur la nécessaire fluidité du parcours étudiant et d’une meilleure prise en charge tout au long de ce parcours, pour les étudiants en situation de handicap. A ce niveau, tous les handicaps, visibles ou invisibles sont adressés. La réussite étudiante est également un enjeu et un marqueur de ce changement de politique. Pour l’université d’Angers par exemple, « le projet lie la prise en compte des besoins du handicap, la personnalisation des parcours et l’accompagnement à la réussite. Il fait émerger et diffuse une culture commune sur les questions d’équité, de diversité et d’inclusion ».[1]

D’autres projets ont misé davantage sur l’adaptation de la pédagogie offerte aux étudiants. Ainsi l’université Sorbonne Nouvelle propose le partage de ressources et d’expertise pédagogiques auprès d’autres établissements, en particulier son modèle de labellisation des cours « présentiel enrichi » et « inclusif ». Tous insistent sur la nécessité d’une plus étroite collaboration entre les différents publics concernés, qu’il s’agisse des étudiants ou des personnels en situation de handicap, mais aussi des aidants, et des enseignants, sans oublier les personnels administratifs, le plus souvent en première ligne pour l’accueil et l’inclusion à l’université.

Les bonnes volontés, les signaux positifs et même les moyens sont déployés pour aller vers la poursuite d’une réelle dynamique dans l’accès et la prise en charge, comme vers la réussite pour tous et toutes. Dans ce contexte favorable, l’évolution des technologies numériques est également un facteur d’accélération.

Comment l’intelligence artificielle, par exemple, peut-elle résoudre certaines difficultés rencontrées par les étudiants et leurs enseignants ?

Dans un formidable live blanc intitulé : « l’IA et l’inclusion », co-édité par Impact IA et Edtech France, on découvre ainsi quelques prouesses techniques qui vont réellement améliorer l’expérience étudiante, pour celles et ceux qui vivent le handicap au quotidien, et qui vont dans le même temps leur permettre de réussir. Rappelons ici qu’outre l’accès à l’enseignement supérieur, l’enjeu majeur demeure celui de l’égalité des chances, ce qui signifie égalité face à la réussite. Si aux JO nous avons admiré toutes celles et ceux qui participent, tant pour leur courage que pour leurs performances, à l’université la réussite se traduit par le diplôme et l’accès au monde du travail.

Alors, quelles sont les innovations qui promettent de donner leur chance à tous ? Comment l’IA peut-elle réduire la fracture et combler le fossé entre les 25% de personnes en situation de handicap qui ont un niveau supérieur ou équivalent au Bac et les 44% constatés pour l’ensemble de la population française ?

Les perspectives d’évolution sont nombreuses et couvriront, à terme, tous les handicaps, visibles comme invisibles. Ainsi les handicaps visuels ou auditifs sont déjà très adressés par des assistants qui lisent oralement un texte ou document, ou qui, à l’inverse, rédige un texte à partir d’une conversation, ou d’un énoncé à l’oral. L’IA progresse rapidement et élimine progressivement les fautes d’interprétation. Le sujet le plus sensible restant le langage des signes encore mal restitué aujourd’hui, d’autant qu’il est différent dans chaque langue. Ce sont les volumes de données qui déterminent la vitesse de progression des modèles d’IA. Un gros travail est par ailleurs conduit pour rendre plus humaine la lecture artificielle. En effet, outre l’accessibilité, il faut également prendre en compte le caractère agréable de la voix pour faciliter l’apprentissage. Désormais, l’IA peut accompagner avec une remarquable efficacité les étudiants dans leur apprentissage des langues. Des solutions comme Antidote ou Tralalère, par exemple, adressent déjà les principaux handicaps avec succès. Leur déploiement est encore freiné par le financement et la diffusion des usages auprès des enseignants.

Si nous prenons l’exemple d’un déficient visuel qui doit consulter un manuel ou assister à une expérience, si le texte ou le commentaire peuvent être rendus oraux facilement, la traduction à l’oral des images est généralement oubliée, rendant la compréhension de la situation très compliquée. Avec des solutions comme Seeing AI sur IPhone ou OrCam solution intégrée dans des lunettes, on peut décrire à la fois texte et visuel de manière relativement précise. Ces solutions sont hélas peu utilisables en cours, pour l’instant, mais d’autres vont voir le jour et permettre aux étudiants malvoyants de comprendre plus vite les contenus pédagogiques et aux enseignants de gagner du temps sur leur préparation.

On peut imaginer que la technologie aura réponse à toutes les situations de handicap. Très prochainement, les objets connectés et l’IA apporteront solutions et informations en instantané sous toutes les formes et formats, de manière rendre les savoirs accessibles à tous. Mais il reste beaucoup à faire en matière d’acceptation et d’intégration de ces technologies dans nos quotidiens. Comme le disent certains étudiants interviewés dans ce livre blanc, l’inclusion c’est aussi la possibilité de partager une expérience d’apprentissage ensemble, handicap ou pas.

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