Simone et les Robots est évidemment à l’écoute des candidats à l’élection présidentielle dont le premier tour se tiendra le 10 avril prochain. Que proposent-ils dans leur programme qui serait susceptible de modifier le paysage de l’Enseignement Supérieur en France, mais aussi d’améliorer sensiblement les conditions de vie de près de 3 millions d’étudiants dont chacun s’accorde à dire qu’ils ont lourdement souffert de la crise sanitaire ces deux dernières années ?

À 35 jours du premier tour, faisons ensemble un état des lieux des axes majeurs retenus par les différents candidats, et mettons-les en regard des propositions exprimées par France Universités et avec le constat dressé par la Cour des Comptes dans son récent rapport. Il s’agit pour nous de présenter un panorama (néanmoins partiel) de la place de nos universités dans l’avenir du pays, aux yeux de celles et ceux qui briguent le mandat suprême.

Plus tôt dans ce début 2022, France Universités lançait un appel à reconsidérer les moyens alloués à l’ESR : « un investissement massif est donc nécessaire pour que la France garde sa place parmi les grandes nations scientifiques. L’effort principal doit porter sur les universités insuffisamment soutenues depuis trop longtemps en même temps que surchargées de missions nouvelles… ». Un constat partagé par la Cour des Comptes, qui souligne que « en comparaison à l’OCDE, le montant des dépenses consacrées par la France à son enseignement supérieur en 2018 correspond à la moyenne des pays membres, soit 1,45 % du produit intérieur brut (PIB). Ce ratio la place cependant loin derrière les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore la Norvège, qui dépassent ou avoisinent les 2 %. »

Pour autant, tout ne se résume pas à une augmentation de la dépense publique ni à la question des moyens. C’est d’ailleurs là où nous attendons des candidats qu’ils fassent preuve d’imagination autant que d’une connaissance fine des attentes des différents acteurs concernés.

Quels sont les principaux thèmes relatifs à l’ESRI abordés dans cette campagne ?

1 – Les conditions de vie étudiante sont un sujet qui retient l’attention de la quasi-totalité des candidats.

Doit-on y voir un message électoral en direction de la jeunesse ou une réelle préoccupation suivant les nombreux appels à l’aide de la communauté étudiante ?

propositions ESR élection présidentielle

Plusieurs candidats réclament l’instauration d’un revenu minimum attribué soit aux seuls étudiants, soit plus largement au plus de 18 ans, comme le proposent Anne Hidalgo ou Yannick Jadot. Mais à quel niveau se situerait ce revenu ? Yannick Jadot, Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon précisent un montant, le premier fixant à 800 euros ce qu’il dénomme un « revenu d’engagement », le second à 850 euros pour tous les étudiants et enfin le troisième, prévoyant une allocation d’autonomie de 1063 euros à partir de 16 ans.

Quant à Marine Le Pen, elle évoque la possibilité de créer une « prime d’État » pour les étudiants qui travaillent, ce qui introduit une différenciation forte entre ceux qui auraient les moyens de financer leurs études sans travailler et les autres. De son côté, Valérie Pécresse évoque la création d’un prêt bancaire étudiant garanti par l’État, sans condition de ressources, ce qui semble inspiré par les pratiques des pays de l’Europe du Nord (Suède, Norvège, Finlande, notamment).

Emmanuel Macron propose quant à lui, de réformer le système des bourses, certainement pour en élargir et assouplir les conditions d’accès. Le parcours du boursier étant particulièrement compliqué, à l’heure actuelle, de nombreux étudiants ne bénéficient pas de cette couverture financière et sociale indispensable pour bon nombre d’entre eux.

Il est particulièrement intéressant d’analyser les propositions très diverses imaginées par les candidats en les situant dans un contexte précisé par une étude du sociologue Jules Donzelot.

Celui-ci nous indique qu’en France, en 2020, le revenu étudiant moyen est de 920 euros par mois (en tenant compte des bourses), et la participation des familles à ce revenu mensuel est de 386 euros en moyenne (soit près de 42% du total). Ainsi les disparités de revenu génèrent mécaniquement des difficultés plus importantes pour les étudiants issus de familles modestes.

Dans les pays du Nord de l’Europe, l’allocation d’un prêt étudiant garanti est la réponse à des frais d’inscription à l’université nettement plus élevés qu’en France. 50% des étudiants en Finlande, 70% en Suède et même 100% en Norvège ont recours à des prêts de subsistance universels garantis par l’État. Mais ces prêts sont par ailleurs indexés sur la réussite des étudiants dans leur parcours. Si les étudiants valident leurs examens alors l’État prend à sa charge 40% ou plus du montant de la dette. Conséquence : les taux d’échec en licence sont très faibles, ce qui répondrait à un autre enjeu majeur des universités françaises.

Mais au-delà des bourses et des allocations, d’autres moyens de financer la vie étudiante sont au cœur des programmes. Ainsi par exemple, le logement figure en tête des préoccupations qu’adressent les candidats. Marine Le Pen propose d’augmenter les APL de 25%, Fabien Roussel de doubler le parc de logements pour atteindre 350 000 en 2027 (soit près de 6 fois plus que ce que promettait E. Macron en 2017), Jean-Luc Mélenchon situe l’investissement à hauteur de 15 000 logements supplémentaires créés chaque année, tandis que Valérie Pécresse et Yannick Jadot pensent prélever une quantité minimum sur le quota de logements sociaux construits ou à construire.

Sur ce point, Emmanuel Macron évoque la nécessité de reprendre le chantier du logement étudiant, et notamment atteindre les 60 000 logements promis en 2017 dont seuls 34 000 sont actuellement sortis de terre.

2 – La capacité d’accueil des universités reste un sujet incontournable qui fait chaque année débat et encore plus en cette période électorale.

Le constat est éloquent : les universités françaises accueillent davantage d’étudiants chaque année. 1,7 millions d’étudiants se répartissent sur le territoire dans 68 universités couvrant l’ensemble du pays, y compris en Outre-Mer.

Sur ce point Yannick Jadot est le plus ambitieux, puisqu’il avance le chiffre de 100 000 places à créer pour accueillir les futurs étudiants sur les campus. Éric Zemmour concentre l’effort sur le secteur de la santé, en proposant de doubler la capacité de formation des médecins. Jean-Luc Mélenchon demeure dans l’idée d’augmenter les capacités d’accueil dans le but d’éviter toute forme de sélection à l’entrée à l’université, alors qu’à l’opposé Éric Zemmour est favorable à une sélection en licence et à un relèvement du niveau du baccalauréat. Enfin Fabien Roussel propose de construire 4 nouvelles universités pour augmenter la capacité d’accueil globale.

De son côté, France Universités souhaite à la fois consolider la professionnalisation du 1e cycle en ouvrant 50 000 places sur 5 ans en Bac+1, BUT et Licence Professionnelle et en pérennisant les capacités d’accueil des deuxième et troisième cycles en proposant la création de 25 000 places en master, et de 10 000 contrats doctoraux en 5 ans.

Mais le sujet n’est-il pas plus largement de réfléchir à l’orientation des jeunes en imaginant que la poursuite d’étude dans le supérieur n’est pas un passage obligé pour tous ? L’image des formations professionnelles de niveau 3 se trouve repositionnée à la hausse par des réorientations professionnelles de jeunes adultes diplômés qui, désireux de donner du sens à leur travail, se réorientent vers des métiers plus manuels ou plus proches de la nature.

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3 – La mobilité des étudiants

Si nous écoutons certains des candidats, il y aurait là un sujet. Alors que la mobilité étudiante a connu un coup d’arrêt spectaculaire sur fond de crise de la covid-19, Marine Le Pen et Éric Zemmour s’accordent pour réclamer « le retour chez eux » des étudiants étrangers après leurs études.

Or Jean-Luc Mélenchon propose d’abroger l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers tandis que Valérie Pécresse souhaite que leur présence dans les universités soit conditionnée par leur participation aux TD et TP obligatoires. Le candidat Mélenchon propose aussi la création d’un Erasmus francophone et d’une alliance universitaire méditerranéenne, soulignant ainsi la vocation universelle de l’enseignement supérieur français.

Enfin sur la question de la mobilité territoriale, notons que Marine le Pen propose la gratuité du transport en train pour les moins de 25 ans, tandis que Fabien Roussel imagine un permis gratuit pour les mêmes jeunes, puisque « l’autonomie passe par la mobilité. »

4 – Faut-il supprimer Parcoursup ?

À gauche, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon sont particulièrement clairs sur ce thème puisqu’ils réclament tous la suppression pure et simple de Parcoursup. D’autres sont plus modérés, reconnaissant qu’il y a des correctifs à apporter, de la fin de la discrimination positive évoquée par Éric Zemmour, à la transparence de l’algorithme réclamée par Marine Le Pen ou Valérie Pécresse.

Le chef de l’État reconnait lui aussi que le système est peu transparent, pour le moins difficile à comprendre et en conséquence, vecteur d’un sentiment d’injustice que la population supporte mal. Faut-il pour autant le supprimer ?

5 – L’employabilité et l’insertion professionnelle comme enjeu prioritaire de la formation universitaire

Sur ce sujet abordé lors de la conférence d’Emmanuel Macron devant France Universités en janvier, Valérie Pécresse (ancienne ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) se veut très ferme. Cela doit être l’absolue priorité des réformes à venir. La candidate des Républicains, souhaite par exemple, « rendre obligatoire l’évaluation de l’insertion professionnelle des diplômés pour toutes les formations et conditionner l’ouverture et le maintien d’une formation diplômante lors du processus de contractualisation avec le ministère à des taux d’insertion professionnelle satisfaisants. »

Anne Hidalgo demande, pour sa part, la généralisation de l’alternance afin que les étudiants puissent « commencer à gagner leur vie et à s’insérer professionnellement ». Le candidat Macron reste plus évasif pour le moment tout en proposant lui aussi « d’évaluer les universités sur leur professionnalisation ».

Jean-Luc Mélenchon oriente sa stratégie sur les formations professionnelles que sont les CAP, Bac Pro et les BTS, en prévoyant d’ouvrir « de nouveaux centres polytechniques professionnels, afin de mailler le territoire national d’établissements intégrant lycée et enseignement supérieur ». Il demande également de garantir un plus grand nombre de places pour les bacheliers techniques et professionnels dans les classes de BTS et de licences professionnelles.

Mais la professionnalisation de l’université passe aussi par son ouverture au monde des entreprises. C’est dans cette optique que Valérie Pécresse propose d’associer des représentants des secteurs économiques du territoire aux conseils d’administration des UFR. Elle invite à la création et l’intégration de modules dédiés à l’innovation et à l’entrepreneuriat dans tous les parcours de formation.

En matière d’orientation, on s’intéressera à la déclaration d’Emmanuel Macron pour repenser totalement le lien entre le lycée et l’université, alors que Anne Hidalgo se plait à imaginer que 80% d’une classe d’âge serait diplômée de l’enseignement supérieur.

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6 – De nouvelles ressources pour l’université

Augmenter les budgets et financer la recherche sont des objectifs énoncés à chaque campagne électorale. Difficile de ne pas être d’accord, mais plus difficile encore de trouver des alternatives originales.

Si Anne Hidalgo propose de réformer le crédit impôt recherche afin de soutenir la recherche et de « rattraper le retard français », Jean-Luc Mélenchon précise qu’il faudrait reverser les 7 milliards du CIR directement à la recherche. Il évoque aussi la nécessité d’augmenter les moyens de recherche et de développement en allouant au budget « 3% du PIB tout en privilégiant des financements récurrents et pérennes. »

Prendre le pari de la formation continue comme axe de développement des ressources de l’université est une orientation plus originale (même si elle n’est pas nouvelle) exposée par le candidat Emmanuel Macron, qui souhaite inciter à la prise en charge de la Formation Tout au Long de la Vie par les établissements universitaires afin d’accroître leurs revenus. Les universités sont en effet sans doute les plus à même de dispenser des formations adaptées aux changements de métier que souhaitent et que vivent de très nombreux français au long de leur vie professionnelle. Le marché privé ne doit pas être le seul bénéficiaire de cette tendance lourde qui reflète la flexibilité croissante des parcours en entreprise.

C’est d’ailleurs ce qu’indique le rapport de la Cour des Comptes lorsqu’il évoque : « la formation continue, dont les bénéfices pourraient, grâce à une évolution souhaitable de la règlementation, être abondés au budget général sur la base de tarifications cohérentes et rationnelles pour chaque formation. »

7 – Les investissements dans les établissements et les personnels de l’ESR en France

Le Président de la République l’a exprimé dans sa vision pour le pays, il y a urgence à se lancer dans une nouvelle politique d’investissement dans l’ESR pour les dix prochaines années. Au-delà de cette déclaration d’intention, quelles sont les mesures proposées sur ce thème par les candidats ?

Jean-Luc Mélenchon chiffre les recrutements nécessaires à 30 000 enseignants-chercheurs sur 5 ans et propose par ailleurs la titularisation des « précaires ». Mais il va plus loin encore en inscrivant à son programme une allocation de 10 milliards d’euros pour rénover et construire de nouveaux bâtiments universitaires. Il est le seul à ce niveau même si Fabien Roussel pour sa part, suggère d’augmenter le budget de l’ESR en le passant de 14 milliards à 20 milliards d’euros, soit un accroissement de 43%.

France Universités précise dans son rapport qu’il serait utile de « déployer un grand plan de rénovation du patrimoine des universités intégrant pleinement les problématiques d’efficience énergétique, diversifiant les leviers de financement, en ouvrant notamment la capacité d’emprunt des établissements. » Toutefois aucune précision d’enveloppe budgétaire n’accompagne ce souhait.

Si le candidat Emmanuel Macron invite les universités à gagner en autonomie en faisant appel à davantage de fonds privés, il ne précise pas vraiment les investissements réalisables à court terme. Valérie Pécresse prône naturellement un passage à l’étape 2 de l’autonomie des universités sans en préciser l’impact sur les investissements privés potentiels. Les autres candidats demeurent très discrets sur l’extension de l’autonomie.

Conclusion :

On le comprend, au-delà des prises de parole en direction de jeunes électeurs ou de personnels très sensibles aux difficultés accrues par la crise sanitaire, il s’agit pour la totalité des candidats de répondre aux besoins et attentes de l’atout majeur de notre système éducatif que sont les universités. Les conditions de vie des étudiants s’étant nettement dégradées ces dernières années, il y a en effet urgence à trouver des solutions innovantes et à faire bouger les lignes. Néanmoins, la qualité des enseignements et l’adaptation des formations aux exigences des entreprises nécessitent de gros investissements tant en matériels qu’en personnels et en formation.

Les candidats ont-ils pris la mesure de la situation ? Sont-ils prêts à positionner un programme de relance de l’ESR en haut des priorités de leur prochain mandat ? Il reste moins de 35 jours pour évaluer leurs intentions et prendre position.

Vous avez pu découvrir les propositions pour l’ESR par les candidats aux présidentielles, mais qu’attendent réellement les EdTech de leur côté ? Anne-Charlotte Monneret, DG EdTech France nous en dit plus ici !