Mohamed Amine Ben Amor est directeur général adjoint de Campusna et campus manager de Holberton School Tunis, où il supervise la formation de talents dans des domaines technologiques clés, avec un accent particulier sur la cybersécurité. Enseignant-chercheur en mathématiques à l’Université de Carthage, il est également auteur de plusieurs articles scientifiques dans le domaine de l’analyse fonctionnelle. Passionné par l’innovation et l’éducation, il a conçu des programmes pionniers en cybersécurité et intelligence artificielle, tout en développant des partenariats stratégiques avec des entreprises et institutions académiques. Il organise également des événements visant à renforcer les liens entre le monde académique et l’industrie.

Les Robots : Bonjour Mohamed Amine, pouvez-vous nous parler des défis que pose la cybersécurité aujourd’hui, en particulier pour les institutions d’enseignement supérieur ?

Mohamed Amine Ben Amor: Bonjour. La cybersécurité est devenue un enjeu crucial pour tous, et les universités ne font pas exception. Elles sont des cibles de choix pour les cybercriminels car elles stockent une grande quantité de données sensibles, notamment les informations personnelles des étudiants. De plus, les universités sont souvent connectées à d’autres réseaux sensibles, comme celui de l’armée ou des hôpitaux, ce qui les rend encore plus vulnérables.

Parfois, ce sont les étudiants qui sont les hackers des systèmes. Cela peut aller de l’étudiant qui veut changer sa note ou enlever des absences à celui qui veut intercepter un examen.  Mais il faut préciser que ce n’est pas nouveau. Déjà dans les années 2000 des étudiants français pirataient les universités américaines. Ils s’amusaient à attaquer les serveurs FTP des facs américaines dotées de larges bandes passantes pour y cacher des films pirates, par exemple. Ce qui est différent aujourd’hui, ce sont les attaques qui relèvent du grand banditisme et qui peuvent causer des dégâts considérables.

Les Robots : Vous évoquez un manque d’experts en cybersécurité. Est-ce un problème majeur pour les institutions comme les universités ?

Mohamed Amine Ben Amor: Absolument. Le marché manque cruellement d’experts en cybersécurité. En France, on estime qu’il manque 30 000 personnes chaque année dans ce domaine. Les universités ont du mal à recruter et à retenir ces talents, car les salaires dans le secteur public sont souvent moins attractifs que dans le privé.

Les Robots : Vous avez vous-même rencontré des difficultés à recruter un expert en cybersécurité pour votre entreprise EdTech. Pouvez-vous nous raconter cette expérience ?

Mohamed Amine Ben Amor : Oui, au début de l’aventure EdTech, nous avons eu des difficultés à trouver un expert en cybersécurité compétent. Nous avons d’abord été victimes d’attaques sur AWS, où des pirates informatiques ont utilisé nos comptes pour miner des bitcoins. Nous avons finalement recruté un expert en Tunisie, qui avait la particularité d’avoir été condamné pour acte de piraterie informatique et du coup reconnu expert par les tribunaux nationaux !. C’était le seul à avoir une réelle expertise en cybersécurité à l’époque en Tunisie.

Les Robots : L’intelligence artificielle, et en particulier l’IA générative, est de plus en plus utilisée. Quel est son impact sur la cybersécurité ?

Mohamed Amine Ben Amor : L’IA générative est un outil puissant qui peut être utilisé à la fois pour renforcer la cybersécurité et pour mener des attaques plus sophistiquées. Le problème, c’est que l’IA générative permet de créer par exemple des emails de phishing et des sites web frauduleux parfaits, impossibles à distinguer des vrais. Cela rend la tâche des utilisateurs encore plus difficile pour identifier les attaques.

Les Robots: Face à ces défis, quelles solutions proposez-vous ?

Mohamed Amine Ben Amor : Il faut agir sur plusieurs fronts. Premièrement, investir massivement dans la formation de personnel qualifié en cybersécurité. Les formations doivent être longues et axées sur la pratique pour être réellement efficaces.

Il faut faire de gros efforts pour développer ces formations. Mais attention, il y a plein de boîtes qui se lancent car c’est devenu une niche pour ces organismes de formation qui proposent un peu tous les niveaux. Nous, nous travaillons avec le réseau d’écoles Holberton School avec des parcours de niveau master et des titres RNCP niveaux 7 et 8. Nous mettons les étudiants face à des cas réels où ils doivent alors identifier la faille de sécurité dans le système étudié. C’est nettement plus motivant pour eux et surtout plus formateur.

Deuxièmement, il faut sensibiliser tout le personnel, y compris les non-techniciens, aux risques et aux bonnes pratiques de sécurité. Là aussi l’enjeu est de taille, lorsqu’on parle d’établissements qui comptent des milliers de salariés et d’intervenants et des dizaines de milliers d’étudiants.

Enfin, il est nécessaire d’adapter les systèmes de sécurité aux nouvelles technologies, comme l’IA, pour anticiper les nouvelles formes d’attaques. Cela représente un défi permanent face à l’accélération actuelle et aux nouveaux outils.

Les Robots : Un dernier mot pour conclure ?

Mohamed Amine Ben Amor : La cybersécurité est un combat permanent. Les attaques sont de plus en plus nombreuses et sophistiquées, et il est crucial de s’adapter en permanence. Il faut investir dans les ressources humaines, la formation et la sensibilisation pour rester en avance sur les cybercriminels.

Les Robots : Merci Mohamed Amine !

Mohamed Amine Ben Amor : merci les Robots !

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