Nicolas Bertrand le co-fondateur de Polymny a eu une carrière d’ingénieur, puis de chercheur, puis il est devenu entrepreneur. Il a fait sa thèse, il y a une dizaine d’années, sur le cinéma numérique au l’IRIT, l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse.
Les Robots : Comment vous est venue l’idée de créer Polymny ?
Nicolas Bertrand : Après diverses expériences professionnelles, j’ai décidé de revenir dans mon laboratoire d’origine pour effectuer un post-doctorat axé sur la vidéo, un domaine qui était devenu ma spécialité. Dans le cadre de ce post-doctorat, nous avons développé un outil innovant visant à simplifier la création de capsules pédagogiques. Initialement, le projet consistait en un dispositif installé dans une salle verte au sein du laboratoire. L’objectif était de concevoir un système intuitif permettant aux enseignants de produire des capsules vidéo avec un maximum de facilité.
Durant la pandémie de Covid-19, nous avons décidé de donner une nouvelle dimension à cet outil de création de capsules pédagogiques en fondant une entreprise. Par conviction éthique et désir de nous inscrire dans l’économie sociale et solidaire, nous avons opté pour une structure coopérative. Plus précisément, nous avons créé une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Cette forme juridique nous permet de nous adresser à un large éventail d’acteurs publics tels que les collectivités territoriales, les établissements d’enseignement secondaire et supérieur (collèges, lycées, universités), ainsi que les départements et les régions. L’un des avantages de ce modèle est que ces entités ont la possibilité de devenir membres de la coopérative.
Le choix de cette structure organisationnelle reflète notre engagement profond envers nos valeurs et nos convictions. Nous sommes convaincus que ce modèle coopératif est le plus à même de servir notre mission tout en respectant nos principes éthiques.
Votre projet s’adresse aux enseignants et les aide à proposer des contenus pédagogiques mieux adaptés à leur public apprenant. En quoi cela sert-il l’objectif d’une meilleure inclusion ?
Nicolas Bertrand : Dans le domaine de la vidéo pédagogique, la création de contenu reste un processus chronophage et complexe. Notre outil vise à simplifier cette tâche pour les enseignants, leur permettant de produire des vidéos de qualité en un minimum de temps.
Par la suite, notre rencontre avec Bertrand Monthubert, responsable du projet Aspie Friendly dédié à l’inclusion des étudiants autistes, nous a conduits à développer un prototype adapté à ce public spécifique. Notre solution propose de remplacer le visage de l’intervenant par un avatar et d’apporter d’autres ajustements techniques pour réduire la charge cognitive des étudiants visionnant la vidéo. Une thèse est également en cours pour optimiser et transformer les diapositives trop complexes parfois intégrées aux vidéos pédagogiques. Notre objectif est de minimiser tous les éléments susceptibles de créer une surcharge cognitive.
Pour réaliser ces adaptations, nous faisons appel à l’intelligence artificielle. Celle-ci est utilisée pour analyser l’image du visage de l’enseignant, le transformer en avatar, puis animer cet avatar. Nous offrons à l’étudiant la possibilité de choisir l’avatar qui lui convient le mieux. De plus, notre système est capable de transcrire les émotions que certains publics ont du mal à percevoir, soit en accentuant l’expression émotionnelle de l’avatar, soit en ajoutant un commentaire écrit pour expliciter l’intention, par exemple dans le cas d’une touche d’humour.
Suite aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, observez-vous une prise de conscience quant à la nécessité d’améliorer l’expérience étudiante pour les étudiants en situation de handicap ?
Nicolas Bertrand : Je ne suis pas qualifié pour mesurer un impact mais je peux dire que ce que nous cherchons à faire va vraiment vers une plus grande inclusion. Lorsque nous améliorons à la fois la réalisation des vidéos et leur compréhension par des publics autistes par exemple, en réalité nous le faisons pour tous. Ce qui sera mieux compris par les uns le sera aussi par les autres. Nous ne cloisonnons pas. Nous travaillons pour que tous les étudiants, mais aussi les enseignants, utilisent la vidéo de manière simple et fluide comme support pédagogique.
Quelles sont les prochaines innovations sur lesquelles vous commencez à travailler actuellement ?
Nicolas Bertrand : Notre prochain défi est d’adapter les contenus vidéos au langage des signes en français. Parce qu’il faudra alors prendre en compte le mouvement des mains et traduire l’oral en signes. C’est assez complexe et c’est aussi un problème de jeux de données qui ne couvrent pas forcément tous les champs sémantiques. L’IA se nourrit de cette data et ne peut être performante si les données ne sont pas assez fines et nombreuses pour entrainer les modèles. Un autre angle que prendra nécessairement la recherche dans les prochaines années, est celui de la sobriété. Comment rendre nos vidéos plus sobres, plus légères et plus faciles à stocker sans trop consommer d’énergie ou d’espace sur les serveurs, est un vrai sujet d’innovation.
Merci Nicolas ! et bonne continuation pour Polymny
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