Dans le prolongement du Sommet de Göteborg et dans un discours prononcé à la Sorbonne en 2017, le président Emmanuel Macron, appelait de ses vœux la construction d’une Europe des universités, gage du rayonnement culturel et académique du continent.

Il fixait ainsi cette ambition : « la création d’universités européennes qui seront un réseau d’universités de plusieurs pays d’Europe, mettant en place un parcours où chacun de leurs étudiants étudiera à l’étranger et suivra des cours dans deux langues au moins. Des universités européennes qui seront aussi des lieux d’innovation pédagogique, de recherche d’excellence. Nous devons nous fixer l’objectif, d’ici à 2024, d’en construire au moins une vingtaine. »

Depuis l’Europe et chacun des États ont engagé des moyens importants pour que se constituent des alliances entre établissements européens. Au total le soutien de l’Union Européenne à l’initiative des universités européennes s’est élevé à 287 millions d’euros sur les 2 premières vagues d’appel à projets. Ce qui a permis la création de 41 alliances qui regroupent 6,9 millions d’étudiants, soit 18% des effectifs en Europe. La France a, pour sa part, affecté un budget de 100 millions d’euros sur 10 ans pour soutenir les initiatives des universités françaises participantes.

Université de Lausanne

Lors de la Présidence Française de l’Union Européenne, le projet est revenu au centre des débats, et l’objectif est désormais d’atteindre le nombre de 60 universités européennes en 2025. De nouveaux projets vont donc voir le jour dans les 3 prochaines années. Le Forum des universités pour le futur de l’Europe qui s’est tenu en janvier 2022, a mis en lumière un bilan positif des actions menées par les quelques 300 établissements universitaires en Europe. Dans ce contexte, il convient de souligner que la France est l’un des principaux contributeurs à l’initiative collective avec 32 établissements français impliqués dans 28 alliances, dont 10 établissements en tant que coordinateur.

Les quatre objectifs généraux que poursuivent les "Universités Européennes“

  • La mise en œuvre d’une stratégie de formation et de recherche commune de long terme
  • La création d’un campus interuniversitairepermettant la mobilité d’au moins 50 % des étudiants
  • Le soutien à une approche interdisciplinairepermettant de répondre aux défis sociétaux
  • Le développement de modèles de bonnes pratiques pour accroître l’attractivité et la compétitivité de l’enseignement supérieur européen

Et concrètement quels sont les projets portés par nos universités tricolores ?

Les alliances sont d’une grande variété. Toutes sont pourtant animées par une vision commune de l’Europe et des enjeux qui nécessitent la formation des futurs citoyens européens.

« L’évaluation à mi-parcours de 4EU+ nous conforte dans le modèle que nous voulons promouvoir : la mise en place d’un système intégré qui respecte l’autonomie institutionnelle et la liberté académique« , déclare Serge Fdida, VP international sortant de Sorbonne Université, dans une interview du 28 octobre pour AEF. « Nous avons, parmi nos membres, des personnalités fortes : six universités de recherche intensives très importantes dans leur paysage respectif. Nous ne voulions pas créer un partenariat supplémentaire, mais contribuer à l’identité européenne sans opposer excellence et inclusion, former de futurs citoyens européens ouverts sur le monde, et promouvoir une compétitivité forte de l’Europe dans le domaine de la recherche », ajoute-t-il. Un propos qui illustre bien l’élan important que ce nouveau modèle a insufflé dans le monde universitaire.

Retenons par exemple trois projets dont 4EU+ qui portent cette vision européenne comme essentielle à la construction d’un socle culturel commun autour de la connaissance :

4EU+ 

L’alliance universitaire européenne 4EU+ réunit désormais sept universités publiques à forte intensité de recherche depuis juillet 2022. Sa mission est de renforcer la vision européenne d’une coopération approfondie et d’un enrichissement mutuel en développant une nouvelle qualité de coopération en matière d’enseignement, d’éducation, de recherche et d’administration. Ainsi ce projet doit permettre la création d’un système universitaire européen véritablement intégré.

Circle U. 

Circle U est une alliance forte de 9 établissements européens qui mettent en commun leurs expertises afin de construire une université européenne dont la mission principale est de fournir aux étudiants et personnels tous les moyens de mobiliser les connaissances pour avoir un impact pour construire un monde meilleur.

La déclaration d’intention de Circle U inspire le respect : « Notre Cercle, fondé sur un engagement en faveur des principes éthiques et d’une société durable, relie nos missions d’éducation, de recherche, d’innovation et de service à la société, et ouvre la voie aux universités du futur. »

ENLIGHT 

ENLIGHT est une alliance qui regroupe également 9 universités européennes dans un projet dont la mission principale est la promotion d’une qualité de vie équitable et durable pour tous en Europe via un engagement fort pour la transformation de l’enseignement supérieur.

ENLIGHT propose d’axer ses efforts sur 5 domaines clés :

  • La santé et le bien-être
  • La transformation digitale et l’impact du numérique
  • Le changement climatique
  • La transition énergétique et l’économie circulaire
  • L’équité
université Paris Sorbonne

Aujourd’hui, pour les alliances universitaires, le moment est venu d’accueillir la naissance d’un diplôme européen. C’est en tout cas, ce que propose Mariya Gabriel, commissaire européenne, en annonçant la mise à l’essai de ce « label » qui viendra comme un certificat supplémentaire pour valoriser le parcours de l’étudiant à l’intérieur de l’Europe. Mariya Gabriel précise d’ailleurs que « l’objectif est de développer un diplôme européen reconnu comme un véritable diplôme par les autorités nationales« .

Toutefois, la commissaire souligne aussi qu’une fois établi ce socle culturel partagé et porté par les alliances, il conviendrait qu’elles se « spécialisent » autour de thématiques reflétant les enjeux de l’union européenne. Pour les trois prochaines années, un virage structurant doit être amorcé. En effet, la Commission européenne a « changé d’approche puisque chaque alliance va se pencher sur un défi particulier qu’elle voudra résoudre et sur lequel elle voudra ouvrir des compétences, que ce soit sur le changement climatique, la santé, les industries créatives« . Il s’agit dès lors de s’extraire d’une offre généraliste de la connaissance pour développer des cursus orientés sur des adaptations futures des modèles économiques et sociétaux dans lesquels nous vivons tous. On retrouve en quelque sorte le concept des pôles de compétences ou d’excellence qui permettrait à l’Europe d’être référente sur certains domaines du savoir.

C’est sans doute pour cette raison que certaines alliances se sont construites sur cette volonté de spécialisation. Certains projets s’inscrivent ainsi dans des visions plus locales, plus contextuelles réunissant des universités aux particularismes assumés. Réunir des savoirs spécifiques venus de différentes régions de l’Europe permettra d’augmenter, de structurer et de solidifier le socle de connaissances mises à disposition tant des chercheurs que des enseignants et des apprenants.

Sans pouvoir ici être exhaustifs, nous vous proposons trois exemples qui montrent bien que les alliances universitaires peuvent se positionner sur des thèmes extrêmement inspirants :

EU-CONEXUS : European University for Smart Urban Coastal Sustainability

Cette alliance à l’initiative de La Rochelle Université réunit 6 universités en Europe.

La particularité de ce projet est de mettre l’accent sur une mission orientée sur la gestion du territoire. En effet, « EU-CONEXUS a choisi de se concentrer sur les côtes urbaines et semi-urbaines car ces zones sont de plus en plus densément peuplées et très importantes pour le commerce, l’aquaculture et la pêche, l’énergie, le tourisme, etc. En même temps, ces littoraux sont les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique ». Ainsi cette alliance « sera au centre d’un système transnational de création de solutions et de produits innovants pour la durabilité de l’environnement urbain et côtier. Il accompagnera les start-ups et promouvra la coopération industrielle entre les industries proches des institutions partenaires, telles que l’industrie portuaire. »

Cet engagement fort en direction d’une valorisation des territoires qui font aussi la force des pays de l’Union Européenne, on la retrouve également dans le projet ARQUS qui a été construit autour de 7 universités représentant leur région et les capitales régionales qui les hébergent.

ARQUS 

Autour de l’Université Claude Bernard Lyon 1, on retrouve l’Université de Grenade (Espagne), l’Université de Bergen (Norvège), l’Université de Graz (Autriche), l’université de Leipzig (Allemagne), l’Université de Padou (Italie) et enfin l’Université de Vilnius (Lituanie). ARQUS concerne une population estimée de 310 000 étudiants et de 40 000 personnels enseignants et administratifs ainsi que de 1000 groupes de recherche. Lyon est certainement la ville de plus grande taille dans cette alliance mais l’orientation est bien de travailler sur la dimension régionale des établissements. Afin de garantir cet engagement et de l’inscrire dans une perspective de solidarité européenne, les principes d’action de l’alliance se déclinent ainsi :

  • Élargissement de l’accès, inclusion et diversité
  • Cadres centrés sur l’étudiant pour un apprentissage de qualité
  • Université multilingue et multiculturelle
  • Entrepreneuriat et engagement régional
  • Soutien à la recherche et développement des et développement des chercheurs en début de carrière
  • Des citoyens européens engagés

EUT+ 

Sans doute plus petite, l’alliance EUT+, European University of Technologies est une initiative originale ayant pour objectif le développement d’une vision européenne de la technologie. Elle associe des établissements très spécialisés sur des domaines techniques autour de l’Université de Technologie de Troyes.

Dans sa mission, EUT+ rappelle que l’Europe a besoin d’une éducation de haut niveau et qu’elle doit permettre aux talents de s’exprimer notamment au travers de compétences techniques fortes. Cela développera ainsi un réservoir de professionnels performants et responsables afin d’assurer notre souveraineté technologique.

On le voit, les alliances se sont construites avec la double volonté de la mise en commun d’équipes de chercheurs et d’enseignants de très haut niveau et d’un renforcement d’une vision européenne des savoirs et des connaissances. Elles ont aussi des objectifs précis qui dépassent la traditionnelle classification par discipline et deviennent ainsi porteuse de connaissances transversales au service des grands enjeux de la planète et des populations. Transition écologique, révolution numérique, valorisation des territoires, urbanisation raisonnée, sont autant d’exemples de thèmes supranationaux et interdisciplinaires.

Les moyens sont mis pour que l’Europe demeure un continent de la connaissance. Cela sera-t-il suffisant pour que les prochaines générations trouvent des réponses aux difficultés qui s’annoncent ? Si l’éducation et la formation de la jeunesse sont des clés pour l’avenir des Nations et de l’Europe, alors les universités ont un rôle majeur à jouer. Les voir se réunir en autant d’alliances novatrices et performantes est certainement un espoir pour la place de l’enseignement supérieur dans notre pays.

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